Le PAMU d’Antananarivo : la coopération décentralisée au service de la mobilité urbaine
Depuis
1989, la Région Île-de-France et la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA) sont liées par un accord de coopération décentralisée. D’abord axé sur la réhabilitation et l’équipement d’écoles primaires de la capitale du Madagascar, ce partenariat très actif cible désormais le développement urbain de la ville. En 2008, l’établissement concerté du Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine (PAMU) place la question des déplacements urbains au centre des actions de coopération.
La CUA connaît depuis plus d’une décennie une forte croissance démographique, de l’ordre de 4,5% par an. L’agglomération, à la topographie montagneuse, compte aujourd’hui près de 2 millions d’habitants. 66% des 4,2 millions de déplacements urbains journaliers se font à pied tandis que 70% des déplacements motorisés sont assurés par les transports collectifs. La structure dense du réseau viaire de la ville et le manque de moyens de la municipalité empêchent cependant le système de transport collectif de gérer efficacement l’augmentation rapide des demandes de mobilité.
Aussi, la réflexion engagée sur ce thème entre représentants de la CUA et de la Région Île-de-France conduit en juin 2008 à l’élaboration du PAMU. Son pilotage est confié à l’Institut des métiers de la Ville (IMV). Ouvert à Antananarivo en 2008, l’IMV est une plateforme au service de la coopération décentralisée Ile-de-France – CUA. Il constitue un appui institutionnel permanent auprès des responsables de la CUA. Des formations y ont été notamment dispensées dans le secteur de l’urbanisme et des transports, en vue du PAMU. Les employés recrutés et payés par l’IMV sur financement de la Région Ile-de-France sont mis à disposition d’autres services de la commune (Direction des Affaires Financières, Direction des Déplacements Urbains, etc.). Ce dispositif permet une meilleure coordination entre les projets IMV et l’activité des autres services de la municipalité.
Le PAMU se structure autour de deux axes :
– L’animation de la concertation entre les différents acteurs du secteur des transports urbains dans l’agglomération d’Antananarivo, afin d’améliorer le système de transport dans sa globalité ;
– Le travail sur des lignes pilotes (réhabilitation de la voirie et des cheminements piétons, implantation de mobilier urbain, travail sur l’espace public autour des primus et terminus, renouvellement du matériel roulant, etc.) qui vise à appliquer de façon opérationnelle les objectifs du PAMU, et créer ainsi un effet de levier pour agir sur l’ensemble de l’agglomération.
La concertation pour une approche globale de la mobilité
L’IMV a mis en place six groupes de travail spécifiques, rassemblant les acteurs institutionnels du secteur concerné. Ces groupes de travail se réunissent régulièrement et se sont vus attribués des acteurs « pilotes », en charge de l’animation de chacun de ces groupes. Les résultats de certains groupes thématiques influencent désormais les politiques publiques à l’échelle nationale, puisque plusieurs documents établis dans ces commissions, comme la Charte du métier de transporteur, ont été repris dans le projet de refonte de la législation sur le transport à Madagascar. Les thèmes sont établis comme ceci (à partir du rapport d’activité 2011 de l’IMV):
La formation de tous les acteurs afin de renforcer les compétences
Un schéma directeur de la formation à destination des différents acteurs du transport urbain dans l’agglomération d’Antananarivo a été mis au point en collaboration avec les représentants institutionnels du secteur (Ministère du Transport, Agence des Transports Terrestres, Unions des Coopératives de Transport, etc.). Les différents modules de formation, adaptés à chaque catégorie d’acteurs, seront dispensés au sein du futur centre de formation de la Commune Urbaine d’Antananarivo.
L’amélioration de la gestion des licences de mini-bus
Au terme d’une étude établissant un diagnostic de la gestion actuelle des licences, l’IMV, en collaboration avec la Direction des Déplacements Urbains (DDU), a proposé à la CUA un nouveau schéma de délivrance des licences. Il prévoit notamment la simplification des procédures de délivrance et la création d’une base de données informatisées à la DDU recensant les licences et permettant un contrôle plus strict.
Une nécessaire rationalisation du réseau de taxis-be (mini-bus)
Le réseau de lignes de taxis-be d’Antananarivo est extrêmement dense et peu adapté à la demande. Il s’est construit par couches successives, sans étude préalable. La fusion des lignes aux parcours similaires sera une première étape pour la réorganisation des lignes actuelles avant une restructuration totale du réseau de bus, sur la base d’une étude sur l’offre et la demande de transport dans l’agglomération.
L’évolution vers un système tarifaire intégré
La mise en place d’un système tarifaire, et éventuellement d’une billettique électronique, apparaît aujourd’hui comme une nécessité à Antananarivo. Elle permettrait en effet une meilleure connaissance et un contrôle accru des recettes des transporteurs, qui connaissent aujourd’hui une forte évasion, l’éventuelle mise en place de tarifs spécifiques à certaines catégories d’usagers.
Une meilleure gestion des correspondances pourrait également être mise en place : les usagers doivent aujourd’hui repayer un ticket lors de leur correspondance, ce qui a favorisé la mise en place d’une multiplicité de lignes, correspondant à un éventail large de trajets possibles, afin de capter la demande des usagers en ne leur faisant payer qu’un seul ticket.
La constitution d’une Autorité Organisatrice des Transports Urbains
Le système de transport dans l’agglomération d’Antananarivo connaît aujourd’hui une gestion duale. La régulation des zones urbaines et suburbaines est en effet assurée par deux entités distinctes : la Commune Urbaine d’Antananarivo en zone urbaine et l’Agence des Transports Terrestres (ATT – émanation du Ministère des Transports) en zone suburbaine.
Cette situation est à l’origine de nombreux dysfonctionnement : elle créée une régulation diffuse, et complique l’identification de l’entité en charge de certaines problématiques, l’intégration tarifaire y est en outre très difficile à mettre en œuvre. Enfin, elle créé des doublons de lignes urbaines/suburbaines ayant des itinéraires identiques sur certains corridors.
Face à ce diagnostic, l’ensemble des acteurs du transport urbain dans le Grand Tana s’accorde sur la nécessité de la mise en place d’une Autorité Organisatrice des Transports Urbains (AOTU) unique à l’échelle de l’agglomération. Une étude de faisabilité, proposant différents scenarii de structuration de cette institution, a donc été réalisée par l’IMV.
Une plateforme de concertation entre CUA, ATT et transporteurs, conçue comme une étape intermédiaire dans la constitution de la future AOTU, a été mise en place.
L’amélioration des connaissances du système de transport
A la demande de l’ATT et afin de mieux connaître les attentes de la population antananarivienne en matière de transport en commun, une enquête de satisfaction a été réalisée en novembre 2011. Elle a permis aux différentes institutions de progresser dans la connaissance des besoins des usagers, et de fixer des priorités dans le Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine.
Différentes études et enquêtes sont réalisées régulièrement, afin de mieux comprendre les évolutions de la perception des transports en commun et l’impact des projets mis en œuvre dans le cadre du Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine (PAMU). Une étude sur le stationnement (diagnostic de la situation à Antananarivo et propositions) sera disponible en septembre 2012.
Volet opérationnel
La ligne 119: une première ligne pilote
La première ligne labellisée pilote par la Commune Urbaine d’Antananarivo a été la ligne 119, qui relie l’Université d’Ankatso au quartier populaire des 67ha selon un axe Est-Ouest. Elle a été choisie pour sa forte fréquentation (45 000 passagers/jour) ainsi que pour sa desserte de pôles générateurs de trafic majeurs (Anosy, quartier des Ministères, etc.).
En plus de la réalisation d’abribus, de totems et de travaux de voiries visant à améliorer la circulation, le projet vise également la création d’espaces publics de qualité autour des primus et terminus. Ainsi à Ankatso, la construction de blocs sanitaires et les travaux d’embellissement des gargotes ont enclenché un dialogue avec les riverains qui nous a permis de mieux identifier leurs besoins et d’y poursuivre les aménagements. Le budget total pour ces aménagements a été de 1 000 000 d’euros.
Afin d’assurer l’entretien et le bon fonctionnement des infrastructures sur le long terme, des gestionnaires de site ont été mis en place au primus d’Ankatso et au terminus de 67ha. Ils ont pour mission d’assurer le respect des cahiers des charges sur ces sites et d’y poursuivre le dialogue social avec les riverains.
Afin de garantir la durabilité du mobilier urbain installé sur les lignes pilotes, il a été choisi de recourir au partenariat public-privé pour assurer l’entretien et la maintenance des nouveaux abribus et totems. En effet, les abribus comportent des espaces publicitaires mis à disposition d’un régisseur privé, qui doit en contrepartie entretenir le mobilier urbain pendant la durée de la concession et verser à la Commune Urbaine d’Antananarivo une redevance annuelle. Le produit de cette redevance contribue aujourd’hui à la poursuite du PAMU et au financement de certaines mesures d’accompagnement telles que la prise en charge du salaire des gestionnaires des primus et terminus. Ainsi les investissements réalisés sur la ligne pilote 119 permettent de refinancer une partie des nouveaux investissements, notamment pour les prochaines lignes pilotes. Ce schéma présente donc à la fois l’intérêt de rendre le PAMU plus pérenne, mais également d’associer le secteur privé à la démarche.
***
En 2011, trois nouvelles lignes ont été labellisées pilotes par la Commune Urbaine d’Antananarivo (les lignes 128, 160 et 166). Les études sont actuellement en cours pour déterminer quels seront les travaux menés sur leurs itinéraires, avec une enveloppe de 500 000 €. Les mobilités douces seront désormais un enjeu majeur : les trottoirs seront réhabilités sur plusieurs tronçons stratégiques le long des lignes pilotes.
Par ailleurs, la Commune Urbaine d’Antananarivo, en partenariat avec le Fonds Mondial de Développement des Villes (FMDV), travaille également de concert avec les transporteurs pour renouveler les taxis-be d’Antananarivo, en ciblant dans un premier temps les lignes labellisées « pilotes » dans le cadre du PAMU.
Article réalisé à partir des travaux de Marion Sybillin, chargé de mission mobilité urbaine auprès de l’IMV d’Antananarivo.