Session spéciale CODATU au cours du Sommet Africités de Dakar
Du 4 au 8 décembre 2012, le Sommet Africités
organisé par Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLU-A) a accueilli, à Dakar, près de 5 000 participants, représentant tous les acteurs de la vie locale africaine ainsi que leurs partenaires des autres régions du monde.
La sixième édition du Sommet Africités a eu pour thème « Construire l’Afrique à partir de ses territoires: quels défis pour les collectivités locales ». Elle a voulu examiner l’impact des dynamiques d’urbanisation, de mondialisation et de démocratisation avec son corollaire la décentralisation, sur la réorganisation du peuplement et du développement du continent, et son inscription dans le monde d’aujourd’hui et de demain.
CODATU a organisé le 6 décembre une session spéciale sur la mobilité urbaine dans les villes d’Afrique qui a été introduite par Bernard Soulage, vice-président de la Commission Mobilité Urbaine de CGLU.
La session a eu comme objectif d’éclairer les décideurs des collectivités locales africaines sur les étapes de mise en œuvre d’une politique de mobilité urbaine durable. Elle a insisté sur l’importance de la constitution d’une autorité compétente à la planification des transports et des missions qui lui incombent en termes de régulation et de coordination des offres de transport, notamment entre les nouveaux transports de masse et le transport artisanal.
- Présentations
Alioune THIAM, Directeur Général du Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD)
Boureima KABORE, Directeur des Etudes et de la Planification à la Mairie de Ouagadougou et Martin STUCKI de TRANSITEC
Julien ALLAIRE, Directeur technique de CODATU
Développement urbain et coordination de l’offre de transport_CODATU_Julien Allaire
Aka ASSAFOUA (excusé), Union Africaine des Transports Urbains (UATP)
Le BRT_nouvel outil de développement des transports-UATP_Aka Assafoua
- Compte-rendu
Les villes africaines font face à un développement très rapide de la mobilité. Celle-ci est source de nombreux défis pour les populations et les décideurs. Les enjeux de l’organisation de cette mobilité sont nombreux. Ils sont étroitement liés aux enjeux du développement urbain. Les politiques d’urbanisme et de transport doivent être intégrées pour permettre de développer des systèmes efficaces et éviter une motorisation rapide. La motorisation à 2 ou 4 roues est la perspective qui s’offre aux métropoles africaines émergentes.
Toutefois, ce modèle de développement est à craindre tant il se traduit par une somme de problèmes déjà existants : congestion des infrastructures, exclusion des plus pauvres, pollution de l’air, dérèglement climatique, sécurité routière, etc.
Mais quelles sont les alternatives ? Pour répondre aux besoins de mobilité dans les villes africaines et éviter la congestion, il est nécessaire d’établir un système de mobilité qui maîtrise la circulation automobile, respecte les usagers de la rue les plus vulnérables (piétons, cyclistes) et s’articule autour des transports collectifs. Les systèmes de transport de masse (BRT, tramway, métro, etc.) qui se développent de plus en plus dans les pays en développement ont un rôle structurant sur l’organisation urbaine. Ils représentent une épine dorsale d’un système qui doit se coordonner avec les systèmes existants (minibus, taxis, etc.).
La politique des transports doit donc prendre en compte l’ensemble des modes de transport sur un périmètre d’action métropolitain. L’existence d’une autorité organisatrice de transport (AOT), qui dispose des moyens humains et financiers nécessaires pour étudier la mobilité sur son territoire, mener des projets et coordonner les acteurs semble nécessaire. Le témoignage de M. Alioune THIAM, du CETUD a ainsi permis de revenir sur l’action menée par une des plus anciennes AOT africaines et sur les compétences et les ressources manquantes pour passer à une nouvelle phase de développement des transports collectifs.
Par ailleurs, l’expérience de Ouagadougou rapportée par Boureima KABORE, de la Mairie de Ouagadougou, a permis de faire état de l’explosion de la mobilité dans la capitale du Burkina Faso, et notamment de la circulation des deux roues. Les perspectives de trafic dans le centre ville montrent à quel point l’espace public est contraint et qu’il est nécessaire d’optimiser son usage en favorisant le report modal vers les transports collectifs et les modes actifs. Par ailleurs, au-delà des études et plans développés pour la ville, il est nécessaire qu’une vision explicite et partagée par les différents acteurs, publics et privés soit définie afin d’offrir une vision pour l’agglomération.
La discussion de la session a porté notamment sur le concept de mobilité urbaine soutenable, présenté par Julien ALLAIRE, qui s’appuie sur un renversement de l’échelle de valeurs des modes de transport. Il s’agit en effet de prendre en considération les intérêts des personnes qui utilisent les modes de transport les plus lents, les plus fragiles et les moins polluants. Ce concept partagé au niveau international mérite d’être adapté aux villes africaines qui ont chacune leur spécificité culturelle, topographique, climatique, etc. Toutefois, dans les villes africaines où le taux de motorisation est très faible, les parts modales des modes actifs (la marche à pied et le vélo) et des transports collectifs sont très élevées. Prendre en considération ces modes en priorité par rapport à l’automobile permet de répondre en priorité aux besoins de mobilité du plus grand nombre. Le concept de mobilité urbaine soutenable peut donc trouver dans les villes africaines un terrain très favorable.
- Recommandations
CGLU-Afrique demandait aux organisateurs de session de proposer des recommandations à destinations des Etats, des Maires et des partenaires de développement.
Recommandations à adresser aux Etats:
– Etablir une politique national de transport et d’urbanisation qui valorise les transports urbains et la sécurité routière
– Développer un cadre législatif qui permet le développement d’autorités organisatrices de transport, leur financement et renforce leurs compétences.
– Mettre en place un appareil statistique sur les villes et les transports.
Recommandations à adresser aux Maires:
– Développer une vision concernant la mobilité urbaine soutenable et s’investir dans la promotion des transports collectifs et des modes actifs.
– Soutenir le développement d’autorités organisatrices de transport et fédérer les acteurs du territoire pour mettre en œuvre des politiques cohérentes.
– Utilisez dans vos villes les modes de transport que le peuple utilise (la marche à pied, le vélo, les transports collectifs) afin de comprendre pratiquement les problématiques auxquelles doivent faire face les habitants.
Recommandations à adresser aux partenaires du développement
– Réaliser une étude sur le financement du transport collectif dans les villes africaines et proposer des pistes de ressources nouvelles.
– Prendre en compte les modes actifs dans les projets de transport de masse qui pourront être développés dans l’avenir.
– Soutenir le développement d’une communauté d’experts africains du transport et de la mobilité urbaine afin de permettre l’appropriation des concepts de mobilité urbaine soutenable au contexte des villes africaines.