14 novembre 2017

Lima-Callao, un chemin difficile vers la modernisation des transports dans la capitale péruvienne

Description
générale de la ville

La capitale du Pérou est située entre l’océan Pacifique et la chaîne de montagnes des Andes au sein d’un désert côtier (10 mm de pluie par an). La ville s’est établie tout au long d’une plaine alluviale traversée par 3 fleuves (Rímac, Lurín, Chillón). Son caractère sismique, ainsi que ses ravins et fonds de vallées sont parfois à l’origine de tremblements de terre, de tsunamis, de crues et d’inondations, qui menacent constamment une partie de la zone urbanisée.

L’agglomération Lima-Callao est une métropole qui concentre un tiers de la population et la moitié de l’économie du pays. Son centre d’affaires accueille de grandes entreprises et des institutions internationales, son port et aéroport internationaux renforcent son statut de nœud régional. Son centre historique a été inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. En outre, la présence de sites précolombiens comme les huacas et de nombreux musées font de Lima la deuxième destination touristique du pays après Cusco.

La ville s’est étendue jusqu’aux trois « cônes » sud, nord et est, depuis la plaine jusqu’aux contreforts de ces vallées. Au-delà de ces obstacles physiques, la mobilité dans la ville est rendu difficile par la congestion des principaux axes routiers qui convergent vers le centre où les activités sont concentrées, mais aussi en raison de l’absence d’infrastructures de transport de masse. Les habitants de Lima-Callao considèrent que le transport est le deuxième problème qui affecte le plus leur qualité de vie en termes de temps de trajet, de pollution de l’environnement, d’abus dans les transports publics ou d’accidents de la route.

Une fragmentation complexe du territoire métropolitain …

La zone métropolitaine de Lima-Callao comprend deux territoires administratifs distincts : la province de Lima gérée par la Municipalité Métropolitaine de Lima (MML), dont le statut spécial lui confère le rang de région, et la Municipalité Provinciale de Callao (MPC) qui se distingue elle du gouvernement régional de Callao. Au-delà de ces deux territoires administratifs, il y a la région de Lima, désignée sous le nom de Province de Lima : formée par 9 provinces, elle n’inclut pas la Province de Lima, mais les provinces de Huarochirí et Cañete, qui font partie de la tâche urbaine de Lima. Au niveau local, le MML est composé de 43 districts, et le MPC de 7 districts. La figure ci-dessous illustre de manière synthétique cette situation politique particulièrement complexe.

Figure 1: Division politique et territoriale de Lima et Callao (Atlas problématique d’une métropole vulnérable, IFEA IRD)

Cette fragmentation territoriale et administrative complique la gestion d’un espace métropolitain où les problèmes de planification et de régulation du transport sont intimement liés. Par exemple, l’Institut Métropolitain de Planification (IMP) est responsable de la planification urbaine pour le MML, à l’exclusion de Callao, qui possède sa propre entité de planification. Sous le mandat municipal de Susana Villarán, une proposition de planification conjointe avait été tentée en 2014, lors de l’élaboration du PLAM 2035. Cependant, après l’arrivée du maire actuel Luis Castañeda, cet outil de planification n’a pas été approuvé. En l’absence d’un plan en vigueur, le rôle de l’IMP à l’approbation des Plans de Développement Urbain (PDU) élaborés par les districts. Outre le rôle mineur de la planification, il n’existe aucun lien significatif avec les projets de transport. En dehors du PLAM 2035, qui envisage les futures lignes de métro et le renforcement de centralités périphériques, aucun plan d’urbanisme ne met en cohérence les différents plans de transport qui ont été proposés au cours des deux dernières décennies. De fait, la municipalité actuelle a réalisé au contraire des travaux de voirie qui n’étaient pas prévus ou interféraient avec des projets d’infrastructures prévus.

… qui rend difficile la planification et la réglementation des transports

Depuis 2006, les autorités locales sont responsables de la planification et de la réglementation du transport urbain sur leur territoire. Dans le cas de Lima-Callao, chaque municipalité provinciale a le pouvoir de réglementer les lignes d’autobus relevant de sa compétence. Cette fragmentation territoriale est un frein à la planification et à la régulation des transports. A ce jour, il n’existe aucune coordination entre Lima et Callao. Depuis l’échec du Conseil de Coordination Lima-Callao, la loi mentionne seulement la possibilité d’établir une gestion commune des zones d’agglomération. De leur côté, les districts tiennent un rôle mineur, proportionnellement à leurs ressources financières et techniques : certains établissent leurs propres plans de mobilité et réalisent leurs propres infrastructures (pistes cyclables, parkings souterrains, voies apaisées), tandis que d’autres se limitent à réglementer la circulation et les modes de transport locaux tels que les motos-taxis. Il existe toutefois des conflits entre les districts et la Municipalité Métropolitaine sur les politiques et les projets de transport à adopter comme c’est actuellement le cas entre le Maire métropolitain et le maire du district de San Isidro à propos de l’extension ou de l’aménagement de certains axes métropolitains.
En plus de cette division territoriale, il existe une division institutionnelle au sein de la Municipalité Métropolitaine de Lima entre la Direction du Transport Urbain – GTU (qui autorise la circulation des transports traditionnels), l’Institut Métropolitain du Transport – PROTRANSPORTE (qui gère les concessions du BRT et des Couloirs Complémentaires de Bus), la Société Municipale de Péage de Lima – EMAPE, et l’IMP (ces deux derniers sont en charge de la gestion de la mobilité de Lima).

L’Etat joue lui un rôle important à travers deux autres ministères. En premier lieu, le Ministère des Transports et des Communications (MTC) est l’organe directeur du secteur qui accompagne les municipalités dans le cadre d’une nouvelle Politique Nationale des Transports Urbains (PNTU), tenant la responsabilité des projets ferroviaires par le biais de l’Autorité Autonome du Train Electrique (AATE), en charge du projet de réseau de base du métro Lima-Callao. En second lieu, le Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) joue également un rôle important dans le processus d’appel d’offres pour les concessions de transport urbain à travers PROINVERSION et INVERTE.PE, et dans la régulation des infrastructures avec OSITRAN qui est directement lié au Conseil des Ministres. Enfin, à ce panorama institutionnel complexe, il faut ajouter le Ministère de la Construction de Logements et de l’Assainissement (MVCS), qui a la compétence de la mobilité urbaine depuis 2014.


Figure 2 : Carte des acteurs du transport urbain à Lima-Callao (élaboration propre)

La matrice suivante résume ce qui a été indiqué en amont et démontre comment chaque acteur se positionne aux différents niveaux (stratégique, tactique et opérationnel) des politiques de transport. De manière concrète, cette fragmentation des compétences entre les différents niveaux de l’action publique est à l’origine du manque de coordination des systèmes de transport public. Pensés de manière indépendante, les différents systèmes actuellement en opération ou en construction ne s’intègrent ni au niveau opérationnel, ni physique, ni tarifaire. Afin d’atteindre cette intégration et d’améliorer la coordination entre les différents niveaux territoriaux et administratifs, le MTC a élaboré en 2016, avec l’appui de la coopération allemande (GIZ), une proposition conceptuelle d’Autorité de Transport Urbain pour Lima et Callao – ATU (cette initiative est décrite plus en détails par la suite).


Le transport : premier émetteur de Gaz à Effets de Serre (GES) à Lima-Callao

Figure 3 : Emissions par type d’usage d’énergie à Lima-Callao (2000-2030), Coopération britannique

Selon un rapport de la coopération britannique, le transport est actuellement le principal secteur émetteur de gaz à effet de serre dans l’aire urbaine de Lima-Callao et les émissions continueront d’augmenter durant les 15 prochaines années en raison de l’augmentation prévue du parc automobile (voir diagramme ci-dessus). L’étude d’actualisation des données du transport urbain à Lima-Callao de la coopération japonaise (JICA, 2011), confirme cette tendance et recommande la mise en place d’un réseau de transport de masse pour l’endiguer.

Malgré ces recommandations, la problématique environnementale n’est pas mise en avant dans les discours sur l’amélioration du système de transport. L’arrivée des modes de transport de masse et la promotion des modes actifs sont partie prenantes de la promotion du concept de mobilité durable. Toutefois, l’amélioration de l’efficacité du système de transport est prioritaire aux yeux des autorités par rapport à la question environnementale.


Un système traditionnel encore très présent pour se déplacer à Lima-Callao

Le système actuel du transport est encore majoritairement assuré par les modes de transport traditionnel. Il s’agit de longues lignes qui traversent la ville de part en part et qui se superposent sur les axes centraux où se concentre la demande. L’autorisation d’opérer ces lignes est octroyée à plusieurs entreprises de bus qui louent leurs unités de transport de tailles différentes (voir ci-dessous) aux chauffeurs et « cobradores » (en charge des paiements des tickets de voyage). Dans le but d’obtenir le plus possible de passagers, chaque unité de transport se fait concurrence dans la bataille nommée « guerra del centavo » (guerre du Centime). Dans certains districts, situés notamment en périphérie, les mototaxis organisées en entreprises ou associations complètent ce système en assurant un service sur des trajets courts et vers les versants des collines.

La mise en place du Système Intégré de Transport (SIT) par la Municipalité de Lima tente de réformer ce système en mettant en concession les axes majeurs afin d’améliorer le service de bus, diminuer la quantité d’opérateurs et mettre en place des arrêts fixes. Cette réforme a débuté avec l’ouverture du Corredor Azul et se poursuit avec la pré-opération des Corredors Rojo et Morado (voir figure 5). Dans un premier temps, ces services incluaient des lignes de desserte mais l’ambition du projet municipal s’est réduite à la réformes des troncons principaux : le SIT continue alors à dépendre des lignes de transport traditionnelles. En effet, en raison du caractère incomplet du projet, des minibus et des combis continuent d’assurer un service alternatif afin de remplir ce vide.

Enfin, il existe deux systèmes de transport de masse qui cohabitent : un BRT (Metropolitano) et une ligne de métro élevée (Train électrique) qui sont tous deux orientés nord / sud. Ces deux lignes ne sont pas connectées, ni au niveau physique, ni tarifaire. Ces modes sont privilégiés par les habitants car ils sont rapides et fiables, cependant les voyages qu’ils assurent représentent encore une faible part des déplacements comme l’illustre le diagramme ci-dessous.

Figure 4 : Répartition Transport public traditionnel – « moderne » (élaboration propre à partir de sources institutionnelles), AATE-MML, 2015 – Q. Marchand)

Les futurs projets de transport : la vision de moyen terme de la MML face à la stratégie de long terme de l’Etat

Les corridors de bus à moyen terme

Corridors Complémentaires (MML-PROTRANSPORTE) : 2 lignes majeures afin de compléter le SIT en cours de passation de marchés pour une mise en service est prévue en 2018 (avant les Jeux Panaméricains)

  • Corridor Carretera Central : avec un parcours similaire à la Ligne 2 de Métro (problème de complémentarité).
  • Corridor Panamericana : avec un système d’accès aux stations similaire à celui du Metropolitano.

Le Réseau de Métro à long terme

Réseau basique du Métro de Lima (MTC-AATE) : 6 lignes dont la zone d’étude a été décrétée par le D.S. 009-2013-MTC. Aujourd’hui, 4 projets sont initiés :

  • Ligne 2 + partie de la ligne 4 vers l’aéroport en construction : projet dont la concession a été attribuée en 2014 pour 35 ans à travers un PPP. En raison des retards dans la construction du premier tronçon, la mise en service est prévue pour 2020.
  • Ligne 3 et 4 à l’étude : les études de la L3 sont menées par un consortium depuis 2015 et le tronçon final de la L4 depuis 2016. La passation de marché de la construction de ces deux lignes est pr2vue pour 2018.

Mobilités actives à Lima : de nombreux piétons et peu d’infrastructures

Un tiers des déplacements à Lima se font à pieds selon le diagramme suivant. Marcher à Lima est une activité difficile et dangereuse en raison du manque d’infrastructure adéquat et du comportement des automobilistes : les piétons sont les premières victimes des accidents. La MML, à travers son service de Transport Non Motorisé, a mené plusieurs interventions pour promouvoir les mobilités actives comme « Al Damero Pizarro sin carro » qui consiste à interdire l’accès des véhicules au centre historique de Lima chaque dernier dimanche du mois. Par ailleurs, quelques districts aisés mettent aussi en place des initiatives : celui de San Isidro, par exemple, a construit la première zone de circulation apaisée avec une vitesse limitée à 30 km/h. Il faut également souligner le rôle de la société civile et des organisations spécialisées dans les thèmes de transport urbain qui développent plusieurs activités afin de sensibiliser et éduquer les habitants sur les mobilités actives.

Figure 5 : Un cycliste dans le district de San Isidro, Lima

Quant à l’usage du vélo, aujourd’hui, la ville de Lima ne dispose pas d’un réseau cyclable continu. Seulement quelques districts ont développé leurs propres infrastructures parfois complétées par un système de location de vélos, comme celui de San Borja. Le service de Transport Non Motorisé de Lima développe actuellement le projet « Ciclolima » qui prévoit d’atteindre en 2018 un réseau avec 200 nouveaux km de pistes cyclables et souhaite travailler avec les 43 districts de la capitale péruvienne. Enfin, les responsables des systèmes de transport de masse comme le Metropolitano (BRT) et le métro, ont installé aux stations des espaces de stationnement pour vélos.

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L’intégration entre les modes de transport massif : BRT et Métro

La modernisation du système de transport s’est caractérisée par la mise en place de deux modes de transport massif. La MML et l’Etat ont proposé chacun une solution technique différente, le BRT pour l’un et le Métro pour l’autre, qu’ils ont mise en place indépendamment. Cette distinction entre BRT et Métro répond plus largement à une différenciation progressive des logiques d’action de la MML et de l’Etat pour moderniser le système de transport.

De la Municipalisation de l’AATE au « métro des pauvres » :

Figure 6: Terminal Nord du Metropolitano (BRT)

En 2001, l’Etat décide de municipaliser l’Autorité Autonome du Train électrique et de confier aux autorités municipales le projet du métro dont il avait gelé le développement 10 ans plus tôt. Cette décision est un échec : la MML n’a pas les moyens financiers de supporter le poids du projet et échoue à la fois à trouver l’appui des banques de développement et un concessionnaire lors des appels d’offre. Parallèlement, le maire Alberto Andrade conseillé par la Banque Mondiale, propose la mise en place de LimaBus, un BRT inspiré du modèle régional de Curitiba (Brésil). Si lors de la campagne municipale de 2002, le candidat Luis Castañeda s’oppose au BRT et prône la reprise du métro, il change d’avis lors de son arrivée au pouvoir et reprend à son compte le projet de son prédécesseur en inaugurant en 2010 la première ligne du Metropolitano. Cette infrastructure de transport plus légère en termes de coût et plus rapidement mise en œuvre correspondait à la fois aux moyens réduits (faible budget et incapacité de subventionner le système) et aux temps courts de l’action publique métropolitaine. Elle permettait de répondre de façon pragmatique et à court terme aux problèmes de mobilité urbaine. C’est dans cette perspective qu’une seconde ligne de Metropolitano est proposée par la suite sur le corridor est-ouest. Toutefois le projet est rapidement abandonné suite à la décision de construire sur le même axe la ligne de 2 de métro, en suivant cette fois une tout autre logique.

Le retour de l’Etat et de son projet vitrine du métro

Figure 7: Station Villa El Salvador du Métro de Lima (Photo: K. Chávez)

En 2009, suite au retour d’Alan Garcia au pouvoir, l’Etat reprend à son compte l’AATE, relance le projet de la ligne 1 sous forme d’ouvrage public et concède son opération en 2011 pour une mise en fonctionnement en 2012 sur le tronçon sud puis en 2014 sur le tronçon nord. Parallèlement, l’Etat propose la création du réseau basique de métro de Lima-Callao par décret : les zones d’étude de 5 lignes supplémentaires sont déterminées ainsi que leur mode d’implantation (concessions intégrales de 35 ans, délivrées sous la forme d’APP). C’est dans ce cadre que la deuxième ligne de métro est concédée : totalement souterraine et automatique, elle est cofinancée par le consortium privé et l’Etat qui apporte 65% du montant final d’investissement. Il s’agit pour l’heure du plus gros projet d’investissement public-privé de l’Etat, mais il sera ensuite rejoint par les autres lignes de métro qui auront les mêmes caractéristiques techniques et environ le même coût. En outre, l’opération du métro est subventionnée contrairement au Metropolitano. Avec cet investissement colossal, l’Etat veut faire de ce projet une vitrine du développement économique du pays. L’objectif de mettre en place le réseau d’ici à 2035 engage les acteurs dans une vision de long terme, où la demande de passagers est projetée sur les 30 prochaines années.

Au final, la modernisation du système de transport menée par la MML et l’Etat, a produit deux modes de transport qui ne s’intègrent ni au niveau opérationnel, ni physique, ni tarifaire. Le défi actuel de l’intégration est donc d’articuler les logiques de court et long terme et de combler les différences de moyens entre gouvernement central et local pour construire une vision commune des solutions à apporter au manque d’infrastructure.


La régulation du secteur du transport : du SIT à l’ATU

Comme l’illustre la figure 4, le secteur artisanal couvre aujourd’hui encore 90% des déplacements quotidiens à Lima. C’est l’héritage de la libéralisation du transport mené sous le régime d’Alberto Fujimori dans les années 90. Dans un contexte de chômage urbain de masse et pour résoudre le problème de la crise de l’offre de transport public, le gouvernement publie le décret législatif 651, qui permet à chacun de proposer un service de transport public, moyennant un véhicule d’au moins trois roues, sans aucune restriction d’itinéraire et d’horaire. Cette dérégulation associée à la création de zones franches et de dispositifs facilitant l’importation de véhicules d’occasion a entrainé la multiplication des unités de transport. Cette décision a permis de résoudre les problèmes de desserte d’un système de transport public alors défaillant, cependant elle a ouvert une « boîte de pandore » et engendré de lourdes conséquences : le réseau viaire s’est rapidement congestionné notamment sur les axes majeurs de déplacements où une multitude d’opérateurs se font concurrence. Face à cela, les autorités publiques métropolitaines ont perdu le contrôle et notamment la GTU qui se retrouve avec peu d’instruments pour réguler le nombre d’entreprises circulants sur le réseau et leur itinéraires. C’est seulement à partir de 2011, c’est-à-dire après la formulation des grands projets de modernisation du transport, qu’un nouveau cycle de régulation s’enclenche. Celui-ci se décline autour de deux volets à Lima : la mise en place du Système Intégré de Transport et la création d’une Autorité Transport Urbain. Partageant le même objectif de réorganisation du secteur du transport, ces deux instruments ont suivi une trajectoire institutionnelle différente : le SIT à travers la MML, l’ATU via le MTC.

Le Système Intégré de Transport, produit des nouvelles compétences de la MML

La mise en place du SIT commence en 2011, sous l’impulsion de la MML avec la maire Susanna Villarán et dans un contexte de décentralisation. Une étude menée par PROTRANSPORTE en 2006 avait préalablement défini 7 corridors complémentaires. La réforme menée a pour but de rationnaliser l’offre de transport existante via la mise en place de concessions où les entreprises doivent répondre à des critères techniques et économiques précis pour participer aux appels d’offre. Cette réforme du transport ouvre un cycle de négociation avec les opérateurs qui n’est pas mené à son terme et débouche sur la mise en place d’un seul corridor, sans que l’unité de recouvrement unique soit mise en œuvre. L’arrivée de Luis Castañeda au pouvoir se traduit tout d’abord par une remise en cause de la réforme du transport puis par la mise en place du second corridor émaillée par l’annulation des concessions après des irrégularités constatées par le MEF. Entre temps, l’implantation d’une ligne d’alimentation du second corridor et l’augmentation du prix du ticket qui ensuite suscite une violente réaction sociale à Manchai (Sud Est de Lima) aboutissant au rétablissement des anciennes entreprises de transports. Au-delà de ces contretemps dans l’implantation du SIT, son efficacité et sa portée sont remises en cause : sur le corridor Azul, les ex-entreprises de transports opèrent dans l’avenue parallèle ou sur le même axe à la tombée de la nuit et les « colectivos » ramassent les usagers exaspérés par les temps d’attente pour accéder au service de la Municipalité. Le manque de ressources publiques et la délégation du risque de demande aux entreprises concessionnaires expliqueraient, selon certains acteurs de la Municipalité, les problèmes actuels du SIT. L’obligation de rentabilité qui structure l’élaboration du tracé des lignes à concéder affecte en outre sa complémentarité avec les lignes de métro. Finalement, le projet de recouvrement unique n’ayant pas abouti, aucune plateforme d’intégration avec les autres modes de transports massifs (Metropolitano et Métro) n’a vu le jour.

L’Autorité de Transport Urbain : un retour de l’Etat régulateur

C’est alors à l’Etat de se proposer pour mener le chantier de la gouvernance des transports via la mise en place d’une Autorité des Transports Urbains (ATU) dans un contexte de recentralisation. Les premières réflexions sur la mise en place d’une ATU sont impulsées par la GIZ, qui en fait le 3ème volet de sa NAMA sur le transport. En partenariat avec le MTC, la coopération allemande mène une étude à la fois pour poser un diagnostic de la gouvernance actuelle et examiner divers cas extérieurs. Cette étude débouche à la formulation en 2016 d’une proposition conceptuelle en deux phases d’implantation d’une Autorité de Transport Urbain (ATU). Parallèlement, 3 projets de lois se sont succédés en 2013, 2014 et 2015 mais aucun n’a été encore approuvé. Les principaux points de débat concernent le retour d’une tutelle de l’Etat vis-à-vis des municipalités provinciales, les divergences de vision entre le MTC qui souhaite faire de l’ATU un organe exécutif tandis que le MVCS veut qu’elle soit seulement une autorité technique et enfin la crainte du côté de la MPC de se faire absorber par la MML. La dernière version du projet de loi, présenté au congrès en juillet 2017, propose de créer une Autorité de Transport Urbain qui aurait pour objectif de planifier, réguler, gérer et promouvoir le SIT. Ces compétences s’exerceraient sur l’ensemble du territoire de Lima-Callao et sur tous les systèmes de transport existant. Ses fonctions très larges et résolument exécutives concernent la mise en place de normes de gestion et contrôle des services de transport, l’intégration physique, opérationnelle et tarifaire du SIT, la promotion de l’investissement privé et de concessions des services de transport régulier et massif, l’administration du système de recouvrement unique, l’élaboration des plans d’implantation du SIT, du Plan Maestro de Transporte, etc. La structure de gouvernance proposée, s’appuie sur une représentation équitable des autorités étatiques et municipales de Lima et Callao dans le conseil directif. Ses dépenses sont néanmoins approuvées par le MTC et le gouvernement central bien qu’il soit mentionné que l’ATU disposera de fonds propres en percevant le produit des amendes et un pourcentage du recouvrement des billets.

Finalement, ces deux volets de la régulation du secteur transport, bien qu’ils aient connu une trajectoire institutionnelle divergente et ont été alimentés par deux processus opposés, se retrouvent aujourd’hui associés : le SIT est au cœur du projet de l’ATU. L’enjeu reste de trouver un consensus tant au niveau politique que social sur l’efficacité du système de transport et le caractère équilibré de sa gouvernance.

 

Acronymes

  • AATE – Autoridad Autónoma del Tren Eléctrico
  • APP – Asociación Público-Privada
  • ATU – Autoridad de Transporte Urbano
  • AUT – Autoridad Única de Transporte
  • BRT – Bus Rapid Transit
  • EMAPE – Empresa Municipal de Peajes de Lima
  • GTU – Gerencia de Transporte Urbano
  • IMP – Instituto Metropolitano de Planificación
  • MEF – Ministerio de Economía y Finanzas
  • MML – Municipalidad Metropolitana de Lima
  • MPC – Municipalidad Provincial del Callao
  • MTC – Ministerio de Transportes y de Comunicaciones
  • MVCS – Ministerio de Vivienda, Construcción y Saneamiento
  • NAMA – Nationally Appropriate Mitigation Actions
  • PDU – Plan de Desarrollo Urbano
  • PLAM – Plan Metropolitano de Desarrollo Urbano de Lima y Callao
  • PNTU – Política Nacional de Transporte Urbano
  • PROTRANSPORTE – Instituto Metropolitano del Transporte
  • SIT – Sistema de Transporte Integrado

Lectures – Sites web

References bibliographiques

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  • C. Bielich; La guerra del centavo; Instituto de estudios peruanos; 2009.
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