[Compte-Rendu] Journée d’Etudes – « Transport Artisanal et mobilités urbaines: Espaces et enjeux contemporains » – Présentations bientôt disponibles!
La
Journée d’Etudes sur le Transport Artisanal, organisée conjointement par le CESSMA (UMR 245) et ESPACE (UMR 7300) en partenariat avec CODATU, a eu lieu le 10 mars 2016 à Paris dans les locaux de l’Université Paris Diderot. Conçue comme une initiative ayant comme objectif de rassembler des étudiants et des chercheurs confirmés pour amorcer une réflexion sur le fonctionnement et les évolutions des transports artisanaux dans des contextes variés, la Journée d’Etudes a permis de présenter des analyses de plusieurs disciplines proposant des visions du transport artisanal qui mettent en évidence toute sa diversité.
Session d’ouverture
Après l’ouverture de la Journée d’Etudes par Gilles Guiheux, Léa Wester et Rémi Desmoulière, Xavier Godard est revenu sur la définition de ‘Transport Artisanal’ pour expliquer la complexité du secteur et son évolution. Cette définition, initialement fondée sur une atomisation de la propriété des véhicules, peut aussi faire référence à une adaptabilité intrinsèque en ce qui concerne les formes d’exploitation et à un relatif manque de réglementation.
Atelier 1 – « DE L’OFFRE À LA DEMANDE, DE LA DEMANDE À L’OFFRE – LA PLACE DU TRANSPORT ARTISANAL DANS DES VILLES EN MOUVEMENT »
Pour la première de trois sessions, Didier Plat, Aliou Ndao et Eliott Ducharme ont respectivement présenté leur analyse sur Dakar, sur les villes secondaires du Sénégal et sur Amman.
A Dakar, suite à l’exploitation des données de la récente enquête sur la mobilité, Didier Plat a souligné le rôle du Transport Artisanal comme outil pour réduire les différences en termes d’accessibilité entre les classes les plus aisées et les classes moyennes et pauvres. En effet, ces analyses montrent une différentiation spatiale entre zones de services des modes et un lien direct entre ces zones et le recours aux modes les plus informels dans les quartiers plus défavorisés.
De manière similaire, dans les autres villes du Sénégal, selon l’analyse de Aliou Ndao, l’apparition relativement récente des moto-taxis s’explique partiellement par l’importance de ce mode dans l’offre de services pour une grande partie de population. Les autorités essayent donc d’introduire des réglementations et non pas d’éradiquer les services de moto-taxi mais le manque de réglementation et des institutions qui ne sont pas assez mûres peuvent rapidement devenir des obstacles.
Eliott Ducharme, en expliquant le cas du Transport Artisanal de Amman, présente une situation bien distincte mais qui met aussi en évidence la difficulté pour les autorités d’accepter le secteur du Transport Artisanal. C’est ainsi que, pour le récent projet de BRT de la ville, les modes artisanaux sont tenus à l’écart – allant même à les effacer sur les documents, ce qui n’est pas le cas en réalité.
Frédéric Audard, discutant de cette première session, a donc souligné le lien entre les différences socio-spatiales typiques des Villes du Sud et la mobilité basée sur le Transport Artisanal. Que ce soit pour accéder aux bassins d’emplois ou pour tout autre type de déplacements, le Transport Artisanal présente plusieurs options en termes de modes, de réglementation et de qualité de service qui expliquent un essor du secteur.
Présentations: (bientôt disponibles)
- Les transports artisanaux dans la mobilité quotidienne à Dakar, Didier Plat
- Le phénomène des « Jakarta » : entre diversification de l’offre de mobilité et le bouleversement du système de transport dans les villes sénégalaises, Aliou Ndao
- Le transport artisanal face aux mutations urbaines à Amman (Jordanie) : outil de résilience ou obstacle au développement ?, Eliott Ducharme
Atelier 2 – « TRANSPORT ARTISANAL ET TRANSPORT INSTITUTIONNEL, CONCURRENCE ET COMPLÉMENTARITÉ »
La deuxième session a commencé avec les présentations de Hind Khedira sur le cas de Rabat-Salé ; de Arnaud Serry sur les villes post-soviétiques ; de Abdelhakim Kebiche sur le cas de Sétif et de Pablo Salazar Ferro sur le cas de Buenos Aires.Avec plusieurs points de vue et un groupe de cas répartis sur une géographie assez large, cette session s’est intéressée à la possible complémentarité entre les modes du Transport Artisanal et ceux du Transport Institutionnel.
Hind Khedira a expliqué que, après la mise en service du tramway de Rabat-Salé, les « petits taxis » se sont rapidement réorganisés pour profiter de nouveaux espaces et stratégiquement se positionner sur des parcours rentables de rabattement de et vers le réseau du tramway.
Arnaud Serry, dans son analyse de l’évolution des « marshrutka » de plusieurs villes a montré les différentes stratégies de autorités qui vont de la réintroduction de cadres réglementaires jusqu’à leur interdiction. Dans tous les cas, ces modes persistent et s’adaptent aux nouvelles conditions d’exploitation.
En Algérie, comme expliqué par Albdelhakim Kebiche, le terme ‘transport artisanal’ est critiqué par les autorités afin de favoriser le rabattement des usagers sur les transports formels. Les terme d’informel ou de clandestin sont donc préférés à celui de transport artisanal en raison de leur connotation négative. Néanmoins, indépendamment du terme, le transport clandestin présent dans la ville a su avoir une forte crédibilité aux yeux de usagers.
Finalement, Pablo Salazar Ferro a présenté de cas de « charters » de Buenos Aires, et notamment d’un type de « charters » dédiés aux services dans des zones relativement aisées qui montrent à nouveau l’adaptabilité du secteur. Suite à une analyse de leur place dans la ville, se pose la question de si ces services qui sont complémentaires ou concurrentiels par rapport aux services du Transport Institutionnel mais aussi par rapport aux modes motorisés privés.
Chantal Chanson-Jabeur a aminé la partie de discussion de cette deuxième session. Les interventions soulignaient l’intérêt de créer une complémentarité adéquate entre les Transport Artisanal et le Transport Institutionnel, mais elles mettaient aussi en évidence les difficultés, notamment pour les autorités locales, de mettre en place des modèles de complémentarité.
Présentations: (bientôt disponibles)
- Reconfiguration des transports de Rabat-Salé : A qui profite le tram ?, Hind Khedira
- La marshrutka, taxi collectif artisanal post-soviétique, caractéristiques et évolutions contemporaines, Arnaud Serry
- Le transport informel, réponse à une demande de transport et adaptation aux « territoires vécus ». Cas de l’aire urbaine de Sétif (Algérie), Abdelhakim Kebiche
- Les « Charters » de Buenos Aires : Le Transport Artisanal comme une alternative au Transport Individuel ?, Pablo Salazar Ferro
Atelier 3 : « RÉGULATION OU AUTO-ORGANISATION ? »
La troisième et dernière session de présentations s’est intéressée à l’organisation et réglementation du Transport Artisanal. Les travaux de Walter Kouamé Kra, Léa Wester, Rémi Desmoulière et Assogba Guézéré (présenté par Pablo Salazar Ferro) ont analysé les cas d’Abidjan, de Lima et Brazzaville, de Jakarta et de Lomé, respectivement.
Pour commencer, Walter Kouamé Kra a décrit les liens entre la criminalité et le Transport Artisanal à Abidjan ; dans cette analyse, il explique que la structure organisationnelle des transports s’est basée sur la construction de la violence comme compétence et que cette violence est ancrée dans le système et requiert une intervention urgente sous la forme d’une réglementation du secteur.
Léa Wester, s’appuyant une comparaison des secteurs artisanaux de Lima et Brazzaville (qui inclut une modélisation des réseaux existants) a utilisé le concept d’auto-organisation. Ce concept met en évidence les logiques d’organisation et gestion des lignes ou itinéraires qui permettent l’adaptation au contexte urbain.
Rémi Desmoulière, après avoir décrit les composantes de la réglementation du Transport Artisanal, a expliqué comment les dispositifs de régulation profitent aux pouvoirs publics, aux propriétaires et aux organisations intermédiaires de Jakarta. Ainsi, la ville se dirige vers une contractualisation des relations entre l’état et les opérateurs de transport artisanal.
Enfin, Assogba Guézéré dans son analyse du secteur des moto-taxis, s’intéresse aux différentes approches de la part des autorités de Lomé envers les moto-taxis. Commençant par une diabolisation du secteur, son essor et le constat d’une dépendance importante de la population sur les moto-taxis, l’approche récente peut s’inspirer des programmes introduits en Asie du Sud-Est.
La discussion pour cette troisième session, dirigée par Laurent Faret, s’est centrée sur les complexes relations entre propriétaires et conducteurs. La question qui se pose porte sur la salarisation des conducteurs comme levier d’intégration. Cependant, l’intégration doit également prendre en compte la dimension territoriale du service.
Présentations: (bientôt disponibles)
- Le transport artisanal à Abidjan : un enjeu concurrentiel sur fond de criminalité, Walter Kouamé Kra
- L’auto-organisation du transport artisanal à Brazzaville et à Lima, Léa Wester
- Réguler les transports artisanaux dans l’agglomération jakartanaise : pourquoi, pour qui?, Rémi Desmoulière
- Trajectoire organisationnelle des taxis-motos à Lomé depuis leur apparition : de la diabolisation à l’institutionnalisation, Assogba Guézéré
Table ronde – « DU SUD AU NORD: QUEL AVENIR POUR LE TRANSPORT FLEXIBLE ? »
Pour conclure la Journée d’Etudes, une table ronde animée par Julien Allaire proposait la question de l’avenir pour le transport flexible (la flexibilité étant une caractéristique clé du Transport Artisanal). L’objectif de cette question était de réfléchir à l’intérêt potentiel des analyses du Transport Artisanal pour les modes formels des pays développés et, de façon parallèle, à commencer à ébaucher les prospects des nouvelles technologies de la communication.
Arnaud Dauphin de l’AFD a expliqué que le Transport Artisanal est devenu une partie de la solution à cause du manque de possibilités de financement de projets d’infrastructure de transport et à cause de la naissance et développement du covoiturage. Nicolas Louvet de 6T partage cette analyse et conclue que de moins en moins de villes auront les moyens pour investir dans les infrastructures lourdes pour la mobilité et que les transports informels (comme Uber) sont une offre au service des résidents. Richard Darbéra, du LATTS, par la suite, explique que, auparavant, les taxis avaient une grosse rente mais maintenant les taxis ne peuvent plus continuer avec ce système ; ils sont alors en train d’être remplacés par les VTC.