Portrait méditerranée : Jellal Abdelkafi, Urbaniste, Architecte-Paysagiste
Jellal
Abdelkafi est urbaniste diplômé de l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Paris Sorbonne et architecte-paysagiste DPLG (diplômé par le gouvernement) de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles. Il exerce depuis 1977 ces métiers en tant que directeur de son bureau d’étude spécialisé et a participé dans ce cadre à la réalisation de nombreuses études sur des thèmes touchant à la planification urbaine, la réhabilitation de l’habitat ou la protection du patrimoine. Il est aussi le membre fondateur de l’association « Sauvegarde de la Médina de Tunis » (1967) et de l’Association Tunisienne des Urbanistes (1979), auteur de nombreux ouvrages, et lauréats de prix tels que le Prix Aga Khan d’Architecture pour la réhabilitation de la Hafsia dans la médina de Tunis, ou encore des prix Paul Marmottant (Académie des Beaux-Arts) et Hercule Catenacci (Académie des Sciences Morales et Politiques) pour son ouvrage « La médina de Tunis » paru en 1989.
Bien que le transport et la planification urbaine soient profondément liés, la relation entre acteurs du transport et de l’urbanisme à Tunis n’a pas souvent bien fonctionné, voire même existé. Lors de cet entretien, Jellal Abdelkafi partage son expérience en dévoilant une partie de l’histoire de la planification urbaine dans le Grand Tunis, et nous fait part des enjeux clés pour la ville en termes d’urbanisme et de mobilité.
La nécessitée d’une planification urbaine régionale dans le Grand Tunis
L’intercommunalité, enjeu d’hier et d’aujourd’hui
Les premières problématiques de planification urbaine régionale remontent en 1945 avec la production par Bernard Zehrfuss du premier schéma directeur à l’échelle de la région, le Schéma d’Aménagement de la Région de Tunis (SART). A cette époque, seule la ville ancienne existait, la nouvelle ville était en début d’extension. Au nord, le projet de banlieue de Menzah commencé à l’entre-deux guerres était une bonne opération d’architecture et groupait entre 500 et 600 logements. Les zones de travail et les zones d’habitats étaient alors bien distinctes et reliées par un réseau de voies rapides et de chemins de fer .
Suite à cela, le tout premier document intercommunal a été réalisé par Deloge en 1948. Ce document a notamment posé les bases des axes routiers principaux de Tunis encore exploités aujourd’hui. La route X – voie rapide au nord de Tunis – n’était alors qu’une piste mais était déjà projetée comme une future route majeure. On y remarque enfin une véritable originalité sur les tracés de chemin de fer qui précèdent celui du métro léger. Le TGM qui allait jusqu’à l’avenue Habib Bourguiba – nommée à l’époque Jules Ferry – devait être prolongé par un tunnel sous la médina et suivre une boucle contournant Menzah. Une autre ligne ferroviaire était aussi projetée dans la continuité de ce réseau tout autour du lac nord.
Bien que le plan de 1948 soit plein de bonnes idées, les institutions ne savaient pas le mettre en œuvre car il nécessitait une véritable concertation intercommunale qui était alors inexistante. Les communes travaillaient chacune dans leur coin, donnant une mosaïque de plans d’aménagements locaux donnant lieu à une urbanisation non concertée. Aucune solution n’ayant été trouvée jusqu’à maintenant, l’enjeu de l’intercommunalité reste toujours d’actualité.
La planification intégrée voulue à travers le District de Tunis
Une première bonne réaction au problème d’intercommunalité a été observée avec la création du District de Tunis en 1972. Cette autorité urbaine rattachée au Ministère de l’Intérieur était sous l’autorité du premier ministre et son conseil d’administration était présidé par le gouverneur de Tunis. Toutes les communes y étaient représentées sous l’autorité du gouverneur.
Entre 1975 et 1990, le District de Tunis a notamment permis de lier correctement transport et urbanisme. Le premier Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) est réalisé en 1975 et deviendra en 1981 le Plan Régional d’Aménagement (PRA). Sur cette base ont été établis le premier schéma directeur routier, et le tracé du métro léger – système de transport public principal de Tunis sous forme de tramway lourd – qui a été financé par la Banque Mondiale. Sans le SDAU et le PRA, nous n’aurions pas de métro léger aujourd’hui.
Pourquoi six ans se sont écoulés entre le schéma directeur et le plan d’aménagement ? Le schéma directeur proposait trois scénarios (urbanisation de faible, moyenne ou forte densité) précisant entre autres la localisation de trois nouveaux pôles d’urbanisation. Le premier ministre de l’époque voit cette trame de ville nouvelle d’un mauvais œil en termes de financement. La stratégie économique nationale est alors focalisée sur la création d’entreprises et il n’y a pas d’argent prévu pour le développement urbain. Aucun des trois scénarios du schéma directeur n’est retenu et le plan d’aménagement proposé en 1977 comporte une simple amélioration de l’existant amenant à une très forte densification. Or ce plan devait être exécuté suite à une simple circulaire du premier ministre qui ne présentait pas de références juridiques. Cette circulaire n’a pu éviter de nombreuses dérogations du public et du privé, ce qui a retardé son approbation à 1981. Beaucoup de terrains ont alors été revendus aux privés qui y ont construit des groupes de lotissements de plus en plus denses.
L’idéologie du « tout automobile » ancrée dans les usages
Une vision moderniste qui remonte au lendemain de l’indépendance
L’urbanisation de Tunis s’est accélérée à toute vitesse à partir des années 60. En 1962, au lendemain de l’indépendance, les municipalités de l’agglomération tunisoise n’avaient pas de personnel technique ni d’urbanistes, et seulement quelques architectes et ingénieurs. On comptait notamment une dizaine d’architectes diplômés. Deux grandes coopérations sont alors intervenues à Tunis : une coopération technique bulgare et une coopération italienne. Cette dernière a notamment réalisé le nouveau Plan Directeur du Grand Tunis (par Quaroni, De Carlo et Amodei). Si ce plan a affirmé le réseau de voirie actuel, il posait aussi un gros problème : il traçait un important axe routier central qui cassait la médina en deux. Ce plan directeur a pourtant abouti au plan d’aménagement de la commune de Tunis en 1964, comprenant une voie de 45 m de large qui traversait la médina du nord vers le sud. L’urbanisation obéissait alors à une conception routière moderniste, privilégiant l’usage de la voiture avec la mode du « tout automobile ». Un premier projet de percée de la médina de l’avenue Habib Bourguiba jusqu’à la place de la Casbah avait déjà été proposé en 1958 par O.C. Cacoub dans le cadre d’un concours international organisé sous l’égide de l’union internationale des architectes. Nous étions alors en pleine période de l’application de la charte d’Athènes, charte sur la planification et la construction des villes constituée lors du Congrès international d’architecture moderne en 1933 sous l’égide de Le Corbusier et sur le thème «la Ville Fonctionnelle».
Si le premier projet de percée n’a pas été accepté, le second projet a été partiellement réalisé en 1965 dans la partie sud de la médina. On est ici dans un cas de rénovation urbaine brutale. Les habitants ont été renvoyés de leur domicile, et relogés pour certains dans les banlieues de Tunis, pour d’autres à l’intérieur du pays. Tout cela s’est très mal passé, et a été fait suite à de violentes contestations sous le contrôle de la police et de l’armée. L’Association de Sauvegarde de la Médina a d’ailleurs été créée en 1967 pour contrer cette percée. Celle-ci n’a heureusement pas été effectuée jusqu’au bout et on trouve aujourd’hui une section de voirie qui n’a pas d’utilité en matière de circulation ou de déplacements. Il est d’ailleurs occupé par des marchands ambulants plus que par les véhicules. D’autre part, jusqu’en 1965, des trolleys bus faisaient encore le tour de la médina de Tunis. Ces modes publics ont été supprimés avec le lancement du projet de percée, et n’ont jamais été réinstaurés.
L’urbanisation du Grand Tunis devenue incontrôlable à la fin du XXe siècle
Dans les années 70, l’aménagement urbain du Grand Tunis est très lâche et aéré. Beaucoup de terrains publics périphériques ont alors été cédés aux privés pour densifier la zone. C’est le cas de la Soukra. Cette zone était un verger et est même restée assez rurale jusque dans les années 90. Les lots qui étaient vendus étaient suffisamment vastes au début, mais ont été progressivement divisés et revendus amenant à des constructions de plus en plus denses. Or les promoteurs immobiliers ne remplacent pas à des plans d’urbanisation et ces sommes de lotissements ont donné naissance à des zones urbaines totalement incohérentes. Aujourd’hui, ces lotissements se chevauchent de manière chaotique rendant les voies inadaptées et la circulation insupportable.
De manière générale, les formes d’urbanisation sont devenues peu contrôlables. L’urbanisation périphérique s’est de plus en plus étendue, résultat de l’habitat spontané de lotisseurs clandestins. Auparavant, cet habitat spontané était principalement construit par des migrants sans argent. Maintenant, les classes moyennes achètent aussi des terrains agricoles et construisent des maisons partout en périphérie.
Une politiques de sectorialisation qui a renforcé le développement de la voiture
Tandis que l’absence de planification régionale encourageait l’urbanisation incontrôlée, la situation s’est détériorée avec l’instauration de politiques sectorielles. Le système tunisien intéressant au début est devenu après la dissolution du District de Tunis de plus en plus hiérarchisé et fractionné en secteurs, faisant disparaître la concertation entre les administrations en matière de planification urbaine et de stratégie de transport. Un plan d’urbanisme ne pouvait plus être mis sur une table et discuté par tout le monde, mais il passait successivement dans une série de hiérarchies non professionnelles. Ce fonctionnement est aujourd’hui particulièrement inquiétant dans une métropole comme Tunis qui est en expansion continue, et surtout dans le contexte de communalisation du territoire et de décentralisation du pouvoir. La planification urbaine et l’aménagement du territoire sont des sujets qui ne peuvent être traités correctement en dehors d’un contexte global. Les actions observées aujourd’hui sont des actions sectorielles qui ont probablement une logique interne mais aucune logique urbaine.
Dans un cas de figure où les institutions ne coopèrent pas et ne se concertent pas, des idées contradictoires et des théories non-vérifiées circulent trop souvent. En urbanisme et en aménagement, pour passer des schémas d’aménagement à des projets urbains de façon concrète et pratique, il faut de la pondération. Ce manque de pondération bloque des villes comme Tunis dans le piège du « tout automobile ».
Une même situation observable ailleurs en Tunisie
Cette idéologie est vérifiée dans les autres villes tunisiennes. A Sfax, la « capitale du Sud » d’environ 1 million d’habitants, il n’existe pas à ce jour de système d’autobus qui fonctionne correctement. La voiture ou le taxi sont nécessaires, participant ainsi à l’expansion de la ville qui est déjà très étendue. A titre d’exemple, quand un train arrive à Sfax, il faut compter en moyenne 45 minutes pour que les voitures venues accueillir les passagers puissent toutes quitter la gare.
Il y a pourtant eu une stratégie de développement de la ville Sfax dans la fin des années 90. Un schéma directeur a été élaboré nécessitant une importante concertation intercommunale, inter-administrative et universitaire. On nous avait notamment confié avec l’agence de développement urbain Barcelona Regional le soin de réaménager le centre de Sfax. Mais ce schéma n’a pas abouti à cause de querelles entre les différentes administrations et la stratégie voulue n’a pas eu de suites. Aujourd’hui, un nouveau plan stratégique à l’horizon 2030 a été récemment élaboré.
D’ici 2050, les agglomérations de Tunis et Sfax continueront de s’étendre, et risquent de rester dans le piège du « tout automobile ». En Europe occidentale, il y a longtemps que l’on a fait la conversion et il est maintenant difficile de construire des autoroutes urbaines. Une capitale comme Paris a réduit considérablement l’utilité intra-muros de la voiture. Son problème aujourd’hui ce sont les déplacements périphériques.
Le résultat : des projets de transport qui manquent d’approche urbanistique
Le grand projet de transport urbain actuellement en construction est le Réseau ferré Rapide (RFR). Ce système qui va permettre de déplacer des quantités importantes de gens à grande vitesse des banlieues vers la place Barcelone au centre de Tunis. Mais du point de vue de l’urbanisme, on n’en sait pas encore grand-chose. Le Ministère du Transport est d’ailleurs méconnu des urbanistes, architectes, et sociologues. C’est surtout un ministère de technostructure.
Des questions se posent pour l’intégration urbaine du RFR. Par exemple, des masses nettement plus importantes vont arriver de Tunis dans le centre-ville. Comment va-t-on pouvoir les accueillir avec le système de transport actuel au centre ? D’autres part, des banlieues telles que la Soukra restent non desservies ni par le RFR, ni par le métro léger. Que va-t-on faire des habitants de ces banlieues ? Le système de bus n’étant ici peu voire pas développé, la voiture restera leur seul moyen de se déplacer vers le centre-ville ? Ces questions se posent alors que le plan d’aménagement de la commune de Tunis est en cours d’approbation.
En termes de transports, le manque d’intermodalité du service public est aussi un facteur qui continue de privilégier la situation du « tout automobile » pour les habitants de l’agglomération tunisoise. La station Cité Olympique à Menzah du métro léger est un exemple parlant. Dans le premier plan du métro léger, une station d’autobus rattachée devait permettre aux gens de descendre et directement prendre un autobus pour aller ailleurs. Or cette station n’a pas été réalisée. Il y a bien des autobus qui passent là mais pas dans une logique d’intermodalité.
Un autre aspect encore peu considéré dans les projets de mobilité est la marche à pied. En 1966, le maire de Tunis Hassib Ben Ammar qui plaidait pour la protection de l’avenue Habib Bourguiba et son réaménagement a reçu l’architecte français Georges Candilis. A cette époque la partie centrale de l’avenue Habib Bourguiba était un immense parking, accueillant les voitures des gens qui habitaient les périphéries nord et sud et venaient au centre-ville pour aller aux cinémas ou dans les centres commerciaux. Candilis a présenté l’idée de faire une avenue entièrement piétonne, ce qui a été perçu comme une contre-performance, allant à l’encontre des idées modernistes qui préféraient construire des percées automobiles. La municipalité a malgré tout fait reculer progressivement cette tendance dans le centre en piétonnisant le terre-plein de l’avenue. Pourtant aujourd’hui, les idéologies en œuvre allant encore dans le sens du « tout automobile », lorsqu’on on propose lors d’un conseil municipal de développer les rues piétonnes, cela n’est pas accepté.
La concertation, enjeux clé de l’intégration entre urbanisme et transport
Combattre les fausses idées urbaines et relancer la collaboration
L’idéologie du « tout automobile » est un abus de pouvoir qui coûte cher et qui discrimine les citoyens. C’est une nuisance sociale résultant de fausses idées qui continuent de circuler sur l’urbanisme. Un autre exemple de cette circulation de fausses idées est le projet de déplacement de l’aéroport qui revient tous les dix ans. L’idée véhiculée derrière cela est l’avantage de l’urbanisation de la zone actuellement occupée par l’aéroport qui permettrait de gagner des terrains centraux et contrebalancerait avec l’expansion urbaine. Or ces deux arguments sont faux. Tout d’abord, l’aéroport est en zone inondable donc il n’est pas urbanisable. Ensuite, une telle logique n’empêchera pas les phénomènes d’urbanisation périphérique. Enfin, l’aéroport de Tunis fait partie des aéroports les mieux placés dans le monde. Il permet de rayonner dans toute la ville. Il n’y a aucun intérêt à le déplacer. On est dans un cas d’une idéologie politique pure et la circulation de fausses idées. L’efficacité du déplacement de l’aéroport n’est prouvée ni scientifiquement, ni techniquement. Et surtout, cela coûterait énormément d’argent.
Le secteur urbain rassemble trois corps de métier principaux : les ingénieurs, les architectes et les urbanistes. La concertation n’étant plus favorisée du coté institutionnel, ces trois corps ne se parlent plus non plus, laissant place à la circulation des fausses idées en matière d’urbanisme et de transport. Ces fausses idées sont gravissimes et peuvent être dangereuses, surtout dans le contexte de la décentralisation. Les futurs conseillers municipaux n’auront pas naturellement des compétences en matière d’urbanisme ou de transport. Ils seront confrontés à des problèmes relativement élémentaires et techniques et devront être correctement orientés au delà du débat politique. Afin que de bonnes décisions soient prises, il faut moins de conduite sectorielle et une meilleure concertation des différents corps professionnels.
Le manque de volonté des institutions empêche l’évolution des idées
A la fin des années 90, le maire de Tunis, avait lancé une étude diagnostique d’orientation pour le Métro Léger à l’intérieur du centre-ville, et pour l’aménagement de la place Barcelone. J’étais chargé de réaliser cette étude et me suis ainsi rendu auprès des différentes administrations responsables des études et projets urbains pour un bilan diagnostic. La présentation du diagnostic qui a notamment permis de présenter les enjeux de corrélation transport/urbanisme en centre-ville, s’est faite devant les représentants de presque toutes les administrations concernées. Tout le monde était d’accord sur les problèmes identifiés, mais personne ne voulait faire de compromis et modifier son approche. Ce bilan diagnostic n’a servi à rien et le projet a été dans l’impossibilité institutionnelle d’aboutir.
Dans toutes les études urbaines et aménagement du territoire, on est confronté au bilan diagnostic, et on est dans l’impossibilité de se concerter et de le faire évoluer vers un projet urbain partagé. D’ailleurs, cette notion de projet urbain partagé agace car elle n’existe pas dans les administrations.
Nous avons pourtant un comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT), présidé par le premier ministre, qui peut convoquer à tout moment les ministres concernés. Ce comité a été créé au début des années 60, mais il se réunit trop rarement. Par exemple, en 2012/2013, une étude de la banque mondiale a été lancée sur le logement abordable. Cette lourde étude rassemblait une quinzaine d’experts tunisiens et de la banque mondiale, ainsi que des grandes institutions tunisiennes comme la Société Nationale Immobilière Tunisienne. Un CIAT aurait été nécessaire, mais il n’a pas eu lieu.
Aussi, il est possible de se tromper dans un projet si les problèmes ne sont pas bien connus. Mais ce n’est pas le cas en Tunisie ! Toutes les questions sont connues par les différents corps universitaires et professionnels qui ont produit de multiples études. En matière de géographie urbaine ou de transport, des idées très intéressantes ont été écrites. Pourquoi ne sont-elles pas prises en comptes dans les pratiques de planification ? Pourquoi n’arrive-t-on pas à faire passer cette connaissance dans une concertation efficace pour des projets partagés ? Il est difficile de bien répondre à cela. La solution relève évidemment des dispositifs institutionnels, juridiques et financiers qui caractérisent les administrations tunisiennes.
Il faut une politique de la ville. Mais qui va l’écrire ? Les ministères réfléchissent à une échelle trop macroscopique et sectorielle pour cela. Le Ministère de l’Équipement continue ainsi de construire des passages dénivelés pour les routes, n’ayant pas encore trouvé de meilleure solution urbaine. Cette question est d’autant plus d’actualité qu’elle se pose au moment de la communalisation et de la décentralisation. Elle est essentielle alors que le code des collectivités locales est en rédaction, et doit être approuvé au moment des élections prévues en décembre 2017.
Une situation difficile pour les urbanistes tunisiens
Aujourd’hui, la situation est compliquée pour les urbanistes en Tunisie. Face au ralentissement des projets, les grands bureaux d’étude tunisiens préfèrent s’engager en Afrique ou au Moyen-Orient. Or, pour les urbanistes, il est plus difficile de chercher à l’extérieur. Être urbaniste nécessite une profonde connaissance du contexte et du milieu, et amène à un travail de médiation qui prend du temps. Nous sommes fortement liés aux conditions locales. Ainsi, il n’est pas possible d’arriver dans une collectivité locale étrangère à l’occasion d’un projet, faire des recommandations puis repartir pour revenir occasionnellement.