Retour sur le premier atelier de CODATU en Colombie : qu’est-ce qu’une AOT et comment fonctionne-t-elle?
CODATU a lancé en février 2019 une coopération technique en partenariat avec l’Agence Française de Développement (sur fonds FEXTE) à Cali en Colombie autour de la gouvernance de la mobilité à échelle métropolitaine. L’objectif de cette coopération est d’appuyer les autorités locales à structurer une « Autorité Régionale de Transport » (ART) pour Cali et sa zone d’influence. Cette coopération s’inscrit dans le contexte de plusieurs projets structurants pour la mobilité régionale soutenus par l’Ambassade de France en Colombie et l’AFD a travers des fonds FASEP et FFEM : le projet de train de proximité entre Cali et les communes voisines (actuellement en phase de préfaisabilité réalisée par SYSTRA) et le projet « Corredor Verde » de rénovation urbaine et promotion des mobilités douces le long de la voie ferrée a Cali.
Le premier atelier de la coopération technique de CODATU dans le Valle del Cauca en Colombie s’est tenu les 20 et 21 mai à Cali. Plus 50 représentants des municipalités engagées dans la coopération, du gouvernement départemental et d’entités nationales (Ministère du Transport, Ministère de la Ville, Département National de Planification) y ont participé dans l’objectif d’identifier collectivement le potentiel rôle, fonctionnement et impact d’une Autorité Organisatrice de Transport (AOT) dans l’agglomération de Cali.
Programme
Le premier jour de l’atelier s’est centré sur la présentation du contexte local et national pour créer l’AOT de Cali. Les participants ont été invités à réfléchir collectivement sur (i) la situation actuelle de l’agglomération en termes de défis de mobilité et d’organisation institutionnelle du transport et (ii) commencer à penser la mobilité à échelle métropolitaine, c’est-à-dire, dépasser les problématiques de chaque commune pour projeter des objectifs communs de la métropole.
Cette réflexion était accompagnée d’une illustration du processus de création et consolidation des AOT en France, et leur impact sur le développement des réseaux, l’amélioration des standards de qualité et la mise en cohérence des politiques de transport et d’urbanisme.
La qualité du service actuel en termes d’intégration, d’efficience distance-temps de trajet et de sécurité sont apparus comme les principaux défis actuellement, devant le manque de coopération et de confiance institutionnelle.
Les objectifs de mobilité 2030 de l’agglomération ont d’une part répondu aux défis actuels (intégration, optimisation du service, réduction de l’accidentalité) et d’autre part pointé de nouveaux objectifs pour projeter le système de transport (le développement d’énergies propres, l’articulation transport-urbanisme, le renforcement d’une culture du transport public, et en général, positionner le transport comme un moteur du développement social et économique de la région dans 10 ans).
Dans une seconde session, les entités nationales ont présenté la loi existante et les orientations du gouvernement en matière d’AOT et d’intercommunalité. L’objectif était d’encadrer les discussions dans le cadre existant et en construction, et d’instaurer un dialogue et une coopération entre les acteurs locaux et nationaux sur le processus actuel de conformation d’une ART, pilote en Colombie.
Le deuxième jour, les sujets de l’institutionnalité, des compétences et du financement des ART ont été approfondis. À partir d’un regard englobant et problématisé sur les ART présentée par le Cerema, et des exemples français et colombiens d’Autorité de transport, les participants ont été invités à projeter des scenarios de répartition des compétences et des fonctions entre les différentes entités du territoire afin de cibler le rôle de la future ART. Enfin, CODATU a présenté les principales sources de financement des AOT dans le monde et le rôle qu’elles exercent de canaliser et gérer les ressources pour le transport, à partir de la publication « Qui paie quoi dans le transport urbain ».
Les participants ont projeté un système de transport stratégique régional intégré, organisé par l’ART, et constitué par le système MIO (BRT), le futur train, les lignes de bus intermunicipales et certaines lignes municipales structurantes.
Messages principaux
Les AOT se créent car il existe un problème de mobilité sur le territoire, une nécessité de canaliser et d’administrer les ressources financières pour le fonctionnement et l’investissement dans le transport, un territoire de déplacements qui correspond à des juridictions et des institutions qui doivent collaborer, des projets de mobilité. Autrement dit, les AOT permettent de définir une gouvernance du transport adaptée au contexte et au territoire de déplacements.
Les caractéristiques de l’AOT à définir sont :
- Un territoire (qui stratégiquement correspond aux pratiques de déplacement)
- Une organisation (quels acteurs participent et quels acteurs intègrent l’AOT? Qui a une voix et un vote? Quel système de gouvernance ? )
- Une base institutionnelle (cadre légal)
- Des ressources humaines, techniques et financières
- Des compétences (le spectre des compétences peut contenir depuis le simple transport public collectif, jusqu’à l’ensemble des mobilités voire la gestion du développement urbain)
- Des fonctions, qui peuvent être classifiées en 3 catégories, du plus stratégique au plus opérationnel:
- Niveau stratégique (long terme) : projeter les objectifs du territoire, définir des grandes orientations politiques
- Gestion tactique (moyen terme) : planifier les services de transport, donner une priorité temporelle aux projets, choisir un mode d’exploitation du réseau, définir des objectifs de service (fréquences, horaires, confort…), définir une politique tarifaire, contribuer au financement du système de transport, réaliser des infrastructures, etc.
- Niveau opérationnel (court terme) : exploiter ou organiser l’exploitation du système
L’intercommunalité ou l’association d’entités territoriales, comme base de coopération institutionnelle, est un thème central dans la constitution des AOT, responsable d’organiser le transport sur plusieurs juridictions. Deux éléments centraux dans ce processus sont le cadre national d’association de collectivités territoriales et la volonté politique des collectivités à s’associer et mutualiser des ressources et des compétences. Il en découle que la constitution d’AOT est généralement un processus qui s’inscrit dans le temps long, implique des négociations avec les différents acteurs institutionnels et opérationnels impliqués.
Généralement, la consolidation d’une AOT est un processus progressif à niveau territorial et de compétences (l’ART accroit progressivement son champ d’action) et de gouvernance (la prise de décision et la représentation institutionnelle au sein de l’AOT est amené à évoluer). Le cadre normatif national du transport et de l’intercommunalité évolue également avec le temps, comme le montre l’exemple de la France où il s’est constitué sur plus de 40ans, par des processus de décentralisation, l’inclusion d’aspects de qualité environnementale, de nouveaux modes de déplacements, etc.
Enfin, bénéficier de ressources stables est fondamental pour structurer une AOT capable d’agir, gagner de la légitimité et mettre en œuvre des projets. Il apparait essentiel de définir des mécanismes de financement à travers la mise en place de sources spécifiques et la négociation de clefs de financement entre les institutions associées. Idéalement, ces clefs négociées (souvent sur la base de caractéristiques démographiques) prévoient l’évolution des dépenses pour garantir les ressources de l’ART sans nécessité de négocier ponctuellement le financement de dépenses additionnelles.
Les principales questions soulevées pendant les deux jours d’atelier ont été :
- L’intérêt ou le bénéfice pour les municipalités, en particulier les plus petites communes n’étant pas intégrées dans le projet en cours du Train de proximité, de s’associer à la création de l’ART
- L’associativité (ou l’intercommunalité) comme base institutionnelle de l’ART : commnent s’articule l’association de municipalités existante avec la future ART ? Dans quelle mesure renforcer l’association afin qu’elle puisse exercer la compétence d’organisation du transporte ?
- Les sources spécifiques de financement du fonctionnement de l’ART
Prochaines étapes de la coopération
Le consortium DVDH-GSD+ en charge de réaliser l’étude de structuration de l’ART presentera le diagnostic de la situation actuelle et les différentes scenario de réorganisation institutionnelle du transport en juillet 2019.
Le prochain atelier de CODATU aura lieu en septembre et traitera des aspects d’intégration et de multimodalité.
Télécharger le rapport de l’atelier (en espagnol) : Taller 1_report