Les hubs de transport public artisanal à Abidjan: Un créneau d’insertion concurrentielle sur fond de criminalité
Les
hubs de transport public artisanal à Abidjan: Un créneau d’insertion concurrentielle sur fond de criminalité
Auteur: Kouamé Walter KRA
A Abidjan, capitale économique et plus grande ville de Côte d’Ivoire, le transport artisanal (minibus et taxis collectifs) échappe aux pouvoirs publics et est, en revanche, contrôlé par des groupes d’acteurs (gnambros et syndicats) qui régulent désormais ce secteur d’activité au moyen de la violence criminelle. Ces acteurs informels se livrent un jeu concurrentiel sur fond de criminalité pour garder la main sur les réseaux du transport artisanal abidjanais et capter les rentes financières qui en émanent. Ayant émergé dans un contexte anomique marqué à la fois par une décennie de crise militaro-politique et une économie exsangue, cette concurrence conflictuelle sonne comme une réponse à la crise de l’emploi et au chômage structurel qui la caractérise. Les gnambros et les syndicats, des acteurs aux trajectoires empreintes d’expériences de violences, semblent avoir transformé lesdites expériences en compétence d’insertion socio-économique.
S’inscrivant dans le champ de la sociologie du développement, notre analyse va présenter la compétence de violence des gnambros et des syndicats comme un catalyseur autour duquel se structurent les rapports de forces et de domination intragroupes pour le contrôle et la gestion des réseaux de transport artisanal. De ce point de vue, nous considérons la compétence non au sens classique d’une aptitude professionnelle acquise au terme d’un processus d’instruction ou de formation qualifiante, mobilisable dans le cadre d’un travail en entreprise. Mais plutôt comme une aptitude historiquement et socialement construite dont l’acteur qui la détient peut se servir pour répondre à une préoccupation individuelle ou collective. D’où les questions de recherche ci-après : Comment s’est construite la compétence de violence des gnambros et des syndicats? Comment et pourquoi se manifeste la conflictualité qui oppose les acteurs de chaque groupe, conflictualité du reste nourrie par la compétence de violence, et quel est l’impact de cette conflictualité en termes d’autorégulation des réseaux et des hubs de transport artisanal? Quelle est l’attitude des pouvoirs publics face à cette concurrence conflictuelle et à un secteur d’activité qui échappe à leur contrôle?